Il faut dégonfler la bulle financière !
En 2009, le montant des bonus distribués par Goldman Sachs devrait atteindre 20 milliards de dollars, 700 000 dollars par employé, un niveau proche du record de 2007. Les leçons de la crise n’ont décidemment pas été tirées.
Quelques leçons de la crise
Et pourtant, la violence de la crise économique, la plus grave depuis 80 ans, devrait permettre une véritable remise en question. En effet, de nombreux économistes en ont souligné avec raison les causes : une prise de pouvoir des actionnaires dans les entreprises, qui aboutit à une demande de rentabilité financière exagérée, une spéculation excessive qui amplifie les mouvements des marchés, et une déréglementation qui a permis aux banques de prendre des risques inconsidérés.
Mais curieusement, peu de personnes se posent la question toute simple de la taille de la sphère financière. Marianne avait montré il y a quelques mois que les échanges financiers représentaient aujourd’hui 50 fois les transactions réelles. Du coup, il n’est pas étonnant que chaque hoquet du monde financier déstabilise une économie réelle beaucoup plus petite. En revanche, il est pour le moins paradoxal que ce soit la plus petite des deux sphères qui soit venue à la rescousse de la première…
Il faut réduire la sphère financière
La réforme du libre-échange et du système monétaire sont des réponses essentielles à la crise économique mais elles ne résoudront pas à elles seules les déséquilibres économiques que nous affrontons. L’existence d’une sphère financière aussi importante par rapport à l’économie productive est profondément malsaine. C’est un peu comme si un arbre de 50 mètres de haut reposait sur des racines qui ne dépassaient pas un mètre. À la moindre tempête, l’arbre s’effondre, arrachant ses racines.
Le déséquilibre qui a été atteint après trois décennies de déréglementation encouragée par les gouvernements de gauche comme de droite est une épée de Damoclès permanente pour l’économie mondiale. D’ailleurs, au fur et à mesure que la bulle financière grossit, l’impact de ses crises s’amplifie sur l’économie réelle : malgré le krach boursier de 1987, l’économie mondiale avait connu deux années de forte croissance en 1988 et 1989.
Les crises financières de la fin des années 90 avait provoqué un ralentissement économique dans les pays occidentaux et un véritable effondrement des économies émergentes. Le krach de 2001 a provoqué un ralentissement plus important que la crise des années 90. Enfin, la crise actuelle s’est transmise en un temps record de la sphère financière à la sphère réelle. Phénomène inquiétant, les soubresauts de la finance se font sentir de manière de plus en plus violente dans l’économie productive.
La politique à la corbeille
D’ailleurs, les politiques publiques sont de plus en plus déterminées par les soubresauts des marchés financiers. Une petite baisse de tension ? Aussitôt, la Fed baisse ses taux pour relancer. Des banques au bord de la faillite ? Les Etats prêtent de l’argent, garantissent les bilans ou les rachètent. L’économie réelle a été mise au service de l’économie financière dans une inversion de valeurs spectaculaires par rapport aux Trente Glorieuses.
Il n’y a pas 36 solutions pour revenir sur cette perversion. Il faut réduire la taille de la bulle financière, réduire les bilans des banques, et réduire le montant des transactions. Cette politique réduira la capacité de nuisance de la sphère financière sur l’économie réelle. Les moyens sont simples : une taxe Tobin et une révision drastique des normes prudentielles. La première réduira la spéculation par la taxation de chaque transaction tout en faisant contribuer la finance à la collectivité. La seconde limitera l’effet de levier.
La question de la taille de la sphère financière est une cause essentielle des déséquilibres économiques actuels. Malheureusement, ce problème n’est pas abordé sérieusement par la plupart des analystes. En l’absence de solutions apportées à ce problème, nous restons vulnérable à la prochaine crise.
Laurent Pinsolle